Historique

Du théâtre amateur, elle a rapidement migré vers la scène professionnelle en fondant, avec Chantal  Dumoulin, Sarto Gendron et François Hurtubise, une compagnie, le TEB Théâtre (ou le Théâtre de  l’École Buissonnière, en référence au fait que ses membres étaient autodidactes), qui a tourné dans les  écoles secondaires et les cégeps avec une création collective intitulée Fini les folies. Une autre tournée  a suivi, en 1990, avec Le rock du grand méchant loup, écrit pour la bande par Pierre-Yves Bernard,  mais sous l’égide, cette fois, de la toute nouvelle compagnie fondée par Bernard, Gendron et Hurtubise,  le désormais bien connu Théâtre Bluff. En 1996, Bluff s’est adjoint la collaboration de Sylvie Lessard  pour créer la Rencontre Théâtre Ados. Elle en a assumé d’abord la coordination, puis la direction  générale et artistique.

Le parcours d’une combattante

Si, aujourd’hui, la Rencontre Théâtre Ados s’affiche comme un incontournable de la scène culturelle  jeunesse, son implantation n’a pas été sans heurts et s’est opérée à grands coups de détermination, de  résilience et d’ardeur. À l’origine, raconte la directrice sortante, c’est la municipalité de Laval qui a  contacté le Théâtre Bluff : l’importance démographique des jeunes allait en croissant et l’on souhaitait  leur offrir un accès privilégié à la culture. L’idée de la RTA est ainsi née, mais il faudra quelques années  pour mettre au point sa formule actuelle et attirer le public. Encore aujourd’hui, même si les spectacles  font généralement salle comble – en plus de ravir leur exigeant auditoire –, seulement 2000 des 7000  billets en vente chaque année sont achetés par des écoles de Laval, alors que le territoire compte plus  de 17 000 étudiants au secondaire ¹ et qu’une mesure gouvernementale octroie aux établissements  scolaires un budget annuel réservé aux sorties culturelles. « Lors de la dernière reddition de compte, je  me suis aperçu qu’à peine 40% de ces sommes étaient dépensées, déplore Sylvie Lessard. Le reste était  retourné au gouvernement. »

La directrice entretient donc l’espoir que plus encore de jeunes Lavallois profiteront dans l’avenir de ce  qu’elle et ses collègues ont mis persévérance et empressement à construire pour eux, et qui suscite  l’engouement de tous ceux qui s’y aventurent. C’est que Sylvie Lessard croit ardemment aux bénéfices  que peuvent apporter les arts, et tout particulièrement le théâtre, aux adolescents. C’est pourquoi, non  contente d’offrir un éventail de spectacles aux styles, aux thèmes et aux âges cibles variés, elle a initié,  en parallèle, plusieurs autres projets au sein de la RTA. On peut penser aux ateliers d’expression  artistique proposés aux classes de francisation, par exemple, un programme intitulé « Le plaisir de la  culture en français ». On ne saurait passer sous silence, en outre, le succès sans égal rencontré par la  Ligue d’improvisation de la Rencontre Théâtre Ados, la LIRTA. Plus de 500 élèves provenant d’une  trentaine d’écoles secondaires se livrent annuellement à 530 matchs, et les finales ont lieu lors du  festival à la Maison des arts de Laval.

L’effervescente RTA a même inspiré la création d’un événement équivalent en France, le Festival  NovAdo, qui se déroule depuis 2014 à la Maison de la Jeunesse et de la Culture de Rodez.  L’enthousiasme de Sylvie Lessard s’est révélé si contagieux que, depuis, chaque année, elle est invitée  à promouvoir le théâtre québécois de création dans la région de l’Occitanie. En revanche, la directrice,  dont les missions internationales ne manquent pas d’attiser la créativité, a importé une initiative  française qui lui a plu : Extrêm’Ados, une activité qui permet à des jeunes d’avoir accès à un metteur  en scène professionnel pendant 24 heures et de présenter le fruit de leur travail commun sous les  projecteurs de la Maison des arts.

Implication tous azimuts

Non seulement l’âme dirigeante de la RTA a participé, au fil des années, à de nombreux échanges  internationaux, mais elle a aussi consacré une part importante de sa vie à l’engagement au sein de  plusieurs regroupements et organismes. Il y eut tout d’abord, de 2009 à 2013, la Commission des arts et  de la diffusion du Conseil des arts et des lettres du Québec, où son expertise en ce qui concerne les  diffuseurs pluridisciplinaires s’est avérée précieuse. Ses connaissances en ce domaine ont également  constitué un apport inestimable pour l’Association professionnelle des diffuseurs de spectacles – RIDEAU, dont elle a joint le conseil d’administration en 2014, où elle occupe toujours les fonctions de  vice-présidente.

La même année, elle a été élue membre du conseil d’administration de la Caisse Desjardins des Grands  Boulevards de Laval, où elle siège encore et où le réseau exponentiel qu’elle a su développer s’est  révélé un atout de taille. Par exemple, lorsque la Caisse désire offrir des bourses aux jeunes, Sylvie  Lessard suggère des chemins à emprunter pour y arriver, recommande des organismes qu’elle estime.

Par ailleurs, en plus d’avoir été membre du conseil d’administration du Théâtre Fêlé de 2016 à 2019  ainsi que du Comité culturel de la Commission scolaire de Laval de 2014 à 2022, elle a assuré la  présidence de Culture Laval de 2015 à 2022. Lorsqu’elle a accepté ce poste bénévole, l’organisme en  était à ses débuts et, jusque là, « Laval était la seule région qui n’avait pas de conseil régional de la  culture », se remémore Madame Lessard. Elle a alors appris à comprendre les rouages de « la machine  politique », car il ne fut pas chose simple de rapatrier le financement auquel avait droit la région. « Tout  cela nous a permis de structurer le milieu culturel lavallois », affirme-t-elle avec une légitime fierté.

Toutes ces expériences, de même que l’expertise en diffusion développée en dirigeant la RTA pendant  près de trois décennies et les innombrables connaissances acquises tout au long de son itinéraire  professionnel, ont rendu possible la concrétisation d’un rêve que Sylvie Lessard entretenait depuis le  tout début de sa carrière et qui a même certainement germé lorsqu’elle faisait elle-même de la tournée  avec le TEB Théâtre : créer un réseau de diffusion pour le théâtre jeunesse à l’échelle provinciale. Et  c’est grâce au respect qu’il lui semble essentiel de démontrer à l’égard des différents écosystèmes  locaux et régionaux qu’elle a réussi à implanter avec succès le Parcours Cré’Ados, un vaste réseau de  salles pluridisciplinaires réparties sur tout le territoire québécois, qui accueille du théâtre de création  conçu pour le public adolescent.

Le dynamisme effréné de Sylvie Lessard, mis au service de sa conviction profonde qu’il faut tout  mettre en œuvre pour que les jeunes aient accès à des productions culturelles qui leur sont destinées,  explique aisément les multiples prix décernés à la RTA sous sa direction. Citons le Prix de la Culture de  la Ville de Laval, reçu en 2000, 2001 et 2006, le Prix Citoyen de la culture Andrée-Daigle octroyé par  Les Arts et la Ville en 2014, ainsi que le Prix Initiative remis par RIDEAU en 2008.

Souhaitons à cette femme engagée, vive d’esprit et généreuse, qui transmettra sous peu à quelqu’un  d’autre les rênes de la RTA, de trouver, dans l’avenir, de nouvelles façons de faire rayonner la culture,  que ce soit sur le plan régional, national ou même international. Car si tous y gagneront assurément,  elle sera la première à se réjouir du bonheur ainsi accru d’autrui.